Rétrofit électrique : quel bilan après 3 ans ?
Le bilan du rétrofit électrique après 3 années
Disposant d’un cadre légal depuis maintenant 3 ans, le rétrofit commence à s’organiser en France. Portée par certains industriels, cette technologie – permettant de convertir un véhicule thermique en électrique – est toutefois encore loin d’atteindre une production industrielle. L’occasion de réaliser un premier bilan.
Un nombre de conversions encore loin des attentes
Le 4 avril dernier, le rétrofit a soufflé sa 3e bougie. Cette technique, consistant à transformer un véhicule thermique en électrique, dispose en effet de son propre cadre réglementaire depuis la publication de l’arrêté du 13 mars 2020 relatif aux conditions de transformation des véhicules à motorisation thermique en motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible. Une décision ayant permis aux véhicules convertis de pouvoir être homologués et, par conséquent, de circuler en toute légalité.
Pourtant, 3 ans après, la filière peine toujours à se développer. À l’heure actuelle, on estime que seulement quelques centaines de voitures « rétrofitées » circulent en France. Très loin de la production industrielle espérée : en 2020, l’association AIRe (Acteurs de l’industrie du rétrofit électrique) tablait sur 65 000 véhicules convertis en l’espace de 5 ans (1). Le secteur reste pourtant optimiste puisqu’il souhaite que « 3 % du parc automobile soit rétrofité, soit 1,2 million de véhicules en France », d’ici 10 ans, à en croire Clément Fleau, coprésident de l’association AIRe (2).
Une filière qui s’organise peu à peu
Malgré des chiffres clairement en deçà des attentes, les principaux acteurs du rétrofit continuent d’y croire, au premier rang desquels les Français. Renault en est un très bon exemple : le constructeur au losange a noué un partenariat avec Tolv (ex Phoenix Mobility) pour convertir à l’électrique des utilitaires Master et Trafic. Une opération garantissant une autonomie comprise entre 150 et 200 kilomètres selon la start-up (3). Même son de cloche du côté de chez Stellantis, le groupe s’étant associé en décembre dernier à Qinomic pour développer le rétrofit électrique de ses utilitaires légers. Les premiers véhicules devraient être commercialisés à partir de 2024 (4).
Comme une réponse à son éternel rival, Renault annonçait un mois plus tard un nouveau partenariat, cette fois avec R-Fit, pour la production de kits de rétrofit de plusieurs de ses modèles iconiques : la R4, la R5 et la première génération de la Twingo. Pour l’heure, seul le kit de conversion de la Renault 4 est disponible à la vente (5). Des initiatives qui poussent d’autres acteurs de la filière, comme les start-ups Transition One et Retrofuture EV, à poursuivre leurs investissements.
Des avantages écologiques, des inconvénients financiers
Si le rétrofit commence à se faire une place au sein du marché auto, c’est avant tout pour des raisons environnementales. Il constitue tout d’abord une réponse à la future interdiction de produire des véhicules thermiques à l’horizon 2035. Autre avantage pour les automobilistes, les voitures « rétrofitées » ne sont pas concernées par les restrictions de circulation au sein des Zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), contrairement aux modèles essence et diesel. Il faut dire que la conversion électrique d’un véhicule semble être la solution la plus écologique pour assurer une seconde vie aux voitures essence et diesel, bientôt bannies de nos villes. Selon une étude de l’Ademe, la conversion électrique permet une réduction des émissions de CO2 de 66 % par rapport à la conservation d’un véhicule diesel et de 47 % par rapport à l’achat d’un véhicule électrique neuf (6).
Pourtant, à l’heure actuelle, ces avantages environnementaux ne semblent pas faire le poids face aux impératifs économiques, tout particulièrement en cette période d’inflation. En effet, il faut compter près de 10 000 € juste pour le kit de conversion. Plusieurs exemples illustrent ces tarifs pour le moins prohibitifs : à partir de 11 900 € pour un kit de Renault 4L chez R-Fit et 16 000 € pour convertir une Fiat 500 chez Retrofuture EV. Et les économies d’échelle, indispensables à la diminution des prix, semblent encore loin, d’autant plus que les fabricants doivent assumer des frais d’homologation de plusieurs dizaines de milliers d’euros (7).
Non seulement il faut ajouter le prix du véhicule à ces coûts, mais il faut également compter sur des performances moindres par rapport à un véhicule électrique neuf. L’autonomie réelle des véhicules « rétrofités » ne dépasse que rarement 100 kilomètres, là où les dernières voitures électriques franchissent désormais allégrement les 300 kilomètres. Sans parler de la vitesse de recharge, ni même du confort de conduite.
Un marché sous perfusion de l’État
Malgré tout, les pouvoirs publics semblent croire dur comme fer dans l’intérêt de la technologie. Pour preuve, en octobre dernier, le gouvernement a annoncé le déblocage d’une enveloppe de 20 millions d’euros pour les professionnels du rétrofit, visant à financer des solutions industrielles capables de faire baisser les coûts. La raison avancée : en 2035, 20 millions de véhicules thermiques seront encore en circulation en France, soit la moitié du parc national (8). D’où la nécessité de leur trouver un avenir, tel que leur conversion à l’électrique par exemple.
En attendant, l’État continue de financer la transformation électrique des véhicules. La prime au rétrofit a en effet été reconduite en 2023. Elle permet de financer jusqu’à 80 % du coût de la conversion, dans la limite de 6 000 € (selon les ressources du foyer). Ce à quoi s’ajoutent éventuellement une surprime maximale de 3 000 € pour ceux habitant au sein d’une ZFE-m et des aides accordées par certaines collectivités. De quoi convaincre les automobilistes ? Difficile à dire pour le moment.
Sources :
(1) Le Rétrofit électrique : une nouvelle activité, créatrice d’emplois pour la filière automobile – Association AIRe – 2019
(2) Automobile : démarrage poussif pour les voitures électriques rétrofitées – La Tribune – 2023
(3) Convertir un Renault Trafic à l’électrique – Tolv – 2023
(4) Stellantis et Qinomic s’associent pour développer le rétrofit électrique des véhicules utilitaires légers – Stellantis – 2022
(5) Renault et R-Fit s’associent pour lancer en France des kits rétrofit électrique sur des modèles iconiques de son histoire – Renault – 2023
(6) Étude Rétrofit : Conditions nécessaires à un rétrofit économique, sûr et bénéfique pour l’environnement – Ademe – 2023
(7) Automobile : le retrofit, un lifting économique pour les vieux véhicules ? – La Tribune – 2020
(8) 20 millions d’euros pour démocratiser le rétrofit électrique – Gouvernement – 2022