Michelin demande une vraie définition des matériaux durables
Le 13 juillet 2023, Michelin a été récompensé lors des Automotive Innovations Awards à Francfort, en Allemagne. Le groupe français a remporté le prix dans la catégorie « châssis, carrosserie et extérieur » pour son pneumatique pour véhicule léger, qui intègre 45 % de matériaux durables et est homologué pour la route. Un jury composé d’experts de l’industrie, de la science, du conseil et des médias spécialisés a décerné cette distinction. Voyons les enjeux autour de la fabrication des pneus « durables »
Michelin, une marque qui mise sur l’innovation
Michelin est une marque qui mise fortement sur l’innovation. Depuis sa création en 1889, l’entreprise a toujours été à la pointe de la technologie dans le domaine des pneumatiques. Voici quelques exemples de la façon dont Michelin innove :
- Pneus innovants : Michelin a constamment repoussé les limites de la technologie des pneus. Ils ont développé des pneus offrant une meilleure adhérence, une résistance accrue à l’usure, une réduction de la consommation de carburant et une diminution des émissions de CO2. Par exemple, le pneu Michelin Energy Saver permet une économie de carburant non négligeable grâce à sa faible résistance au roulement.
- Recherche et développement : Michelin investit massivement dans la recherche et le développement pour améliorer constamment ses produits. L’entreprise dispose de nombreux centres de recherche à travers le monde avec lesquels des ingénieurs et des scientifiques travaillent sur de nouvelles technologies et des matériaux innovants pour les pneus.
- Pneus connectés : Michelin a développé des pneus connectés qui intègrent des capteurs pour collecter des données en temps réel sur la pression, la température et l’usure des pneus. Ces informations sont ensuite transmises aux conducteurs et aux gestionnaires de flotte via des applications mobiles, ce qui permet de surveiller l’état des pneus et d’optimiser leur performance.
- Durabilité et économie circulaire : Michelin s’engage également dans la durabilité et l’économie circulaire. L’entreprise a développé des pneus recyclables et travaille sur des projets visant à réutiliser les matériaux des pneus usagés pour en fabriquer de nouveaux. Par exemple, le pneu Michelin CrossClimate est conçu pour durer plus longtemps, réduisant ainsi la consommation de ressources naturelles.
- Mobilité durable : Michelin ne se limite pas seulement aux pneus, mais s’engage également dans la mobilité durable. L’entreprise développe des solutions de mobilité innovantes, telles que des pneus sans air, des pneus pour véhicules électriques et des services de covoiturage. Michelin cherche à promouvoir une mobilité plus propre et plus efficace.
Ces efforts témoignent de la volonté de Michelin de rester à la pointe de l’industrie et de répondre aux besoins changeants des consommateurs en matière de pneumatiques. Voyons maintenant comment l’entreprise veut modifier notre rapport à l’utilisation des matériaux nécessaires à nos déplacements.
La transformation des usines
Des pneus plus durables et moins énergivores, voilà un véritable défi ! Mais Michelin ne s’arrête pas là. L’entreprise s’attaque aussi à la transformation de ses propres usines. Elle affirme avoir réduit l’empreinte environnementale de ses sites industriels de « 50% entre 2005 et 2019 » et vise une réduction supplémentaire de 33% d’ici 2030, selon Jean-Christophe Guérin.
La consommation d’énergie pour la production des pneus a déjà diminué de « 18% par rapport à 2010 », insiste le directeur de la production du fabricant, qui prévoit une nouvelle réduction de 37% d’ici 2030, toujours par rapport à 2010. Les presses de cuisson des pneus, qui consomment beaucoup d’énergie, sont progressivement remplacées par des presses électriques dans les usines Michelin.
La cuisson des pneus représente en effet un tiers de la consommation d’énergie des usines de pneus. Michelin investit même chaque année des centaines de millions d’euros dans ce remplacement du parc. Le site de Cuneo, dans le Piémont, la plus grande usine de pneus de tourisme de Michelin en Europe occidentale, compte déjà 10% de presses de cuisson électriques sur un total de 399 presses.
Ces investissements massifs dans des pneus durables et plus efficaces, ainsi que dans la rénovation énergétique des usines, interviennent alors que le groupe doit faire face à une inflation des coûts sans précédent. Les hausses des prix des composants et de la logistique ont en effet pesé jusqu’à 1,5 milliard d’euros sur les comptes du groupe l’année dernière et devraient représenter 2,5 milliards d’euros cette année. Cela représente tout de même 10% du chiffre d’affaires de Michelin de l’année dernière ! La transition énergétique coûtera très cher et intervient en pleine flambée des prix des matières premières. C’est donc un véritable défi à relever.
Qu’est-ce qu’un matériau durable ?
Michelin souhaite surtout un alignement du secteur afin de définir ce qu’est un matériau durable, car actuellement, il n’existe pas de définition claire. Cette démarche vise à éviter la confusion chez les consommateurs et à évaluer l’impact sur l’ensemble du cycle de vie des produits. En prenant le chemin d’une vision long terme sur ce sujet, Michelin cherche à imposer une vision équivalente chez l’ensemble des acteurs du secteur dans un domaine oùla pollution est substantielle à l’heure actuelle.
Ce que fait Michelin
Florent Menegaux, le président de Michelin, a annoncé que dans les deux à trois prochaines années, des pneus fabriqués à partir de matériaux naturels ou recyclés seront commercialisés. Ces pneus contiendront 45% de matériaux durables, tels que du caoutchouc naturel, du noir de carbone provenant de vieux pneus, des huiles et résines végétales, de la silice issue d’écorces de riz, ainsi que de l’acier intégrant des ferrailles recyclées.
Quant aux pneus pour les bus, ils sont encore meilleurs, car ils contiennent « 58% » de matériaux durables. Ces pneus sont déjà homologués pour la route, selon les annonces du groupe français. « Nous avons déjà déposé 3 700 brevets dans le domaine des matériaux », précise Brigitte Chauvin, directrice des matériaux durables chez Michelin. Aujourd’hui, un pneu de voiture contient moins de 30% de matériaux naturels ou recyclés. L’objectif de Michelin est d’atteindre une moyenne de 40% d’ici à 2030.
Mais d’autres acteurs du secteur utilisent des matériaux qu’ils appellent recyclables, mais sans forcément l’être. Une harmonisation est donc nécessaire sur le plan mondial.
Goodyear, le grand compétiteur ?
L’américain Goodyear a également dévoilé un pneu pour camion contenant 63% de matériaux renouvelables. Mais sans définition réelle, comment juger de ce qui est réellement recyclable ou pas? L’enjeu est de taille, car les pneus sont une matière première couteuse pour l’environnement. Cette guerre pour la définition des normes dans les matériaux utilisés pour fabriquer les pneus n’en est qu’à ses débuts.
Pourquoi les pneus jouent-ils un rôle si important dans la pollution automobile ?
La réponse est vraiment logique. Tout simplement parce qu’ils sont le seul point de contact entre un véhicule et la route. La résistance au roulement des pneus représente en effet 20% de la consommation d’une voiture, et donc 20% de ses émissions de CO2, souligne le groupe. Cependant, des progrès considérables ont été réalisés dans ce domaine.
Depuis 1992, la résistance au roulement a diminué très fortement. Cette question est d’autant plus cruciale que les voitures deviennent de plus en plus lourdes en raison des équipements de confort et du passage des berlines aux SUV, qui sont plus hauts et moins aérodynamiques. Les normes européennes de sécurité et de lutte contre la pollution y contribuent également. Le poids des voitures a augmenté en moyenne de 40% depuis 1960, affirme Michelin. Cela se traduit par des pneus plus grands et plus lourds.
Les voitures électriques ? C’est un problème
Et le pire, c’est l’électrification ! Le poids des batteries entraîne une augmentation considérable du poids des véhicules, entre 250 à 700 kilos supplémentaires. C’est pourquoi les Tesla, qui sont particulièrement lourdes (2,5 tonnes pour une Tesla X), rencontrent des problèmes d’usure prématurée des pneus. Une voiture électrique consomme plus de pneus, de l’ordre de 20% à 30% de plus qu’un modèle à essence.
Avec la ruée vers les voitures électriques qui se prépare en Europe, le mode de fabrication des pneus représente déjà un enjeu incroyable dans la lutte pour la sobriété à la fois énergétique et l’usage maîtrisé de matériaux durables. Et Michelin semble bien lancé pour jouer un rôle majeur dans ce domaine !