Carlos Tavares s’exprime sur l’interdiction des véhicules thermiques
Interdiction des véhicules thermiques : l’opinion de Carlos Tavares
Lors du Common Good Summit, organisé les 1er et 2 juin, Carlos Tavares a été invité à s’exprimer sur la mobilité à long terme et notamment sur l’interdiction de produire des véhicules thermiques à compter de 2035. Habitué des déclarations fracassantes et sans langue de bois, le patron de Stellantis a cette fois été plus nuancé dans son propos, soulignant simplement que la transformation du secteur allait être « très violente ». Décryptage.
Une mesure actée après un blocage de l’Allemagne
C’était il y a près de 3 mois : le 27 mars 2023, l’Union européenne validait définitivement l’interdiction de produire des véhicules thermiques à compter de 2035. Cette mesure majeure du Plan climat a fait l’objet de nombreuses négociations ces dernières années, le tout dans l’optique d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Pourtant déjà approuvé en février, le texte avait finalement été bloqué par l’Allemagne, Berlin souhaitant que les carburants de synthèse puissent échapper à l’interdiction. Un accord a finalement été trouvé, sans pour autant que le texte original ne soit modifié.
Conséquence ? À partir de 2035, les véhicules essence, diesel et hybrides ne pourront plus être produits. Seuls les modèles électriques, et hydrogène dans une moindre mesure, seront donc présents sur le marché neuf. En revanche, les voitures thermiques d’occasion pourront continuer à circuler et à être vendues, bien que les futures interdictions de circulation au sein des ZFE-m (Zones à faibles émissions mobilité) puissent rapidement diminuer leur espérance de vie.
Carlos Tavares s’exprime au Common Good Summit
Si cette mesure était attendue par de nombreuses personnes, dont les organisations environnementales, elle ne fait pas l’unanimité parmi les constructeurs automobiles. Carlos Tavares, l’actuel patron du groupe franco-italo-américain Stellantis, est toutefois l’un des rares à prendre la parole librement sur le sujet. Lors du sommet Common Good Summit (« Sauver le bien commun » en français), organisé au début du mois de juin, le CEO tricolore n’a pas mâché ses mots quant à l’interdiction des véhicules thermiques et hybrides neufs.
Présent en visioconférence, Carlos Tavares a été amené à débattre avec le chercheur Christian Gollier sur un sujet relatif à la mobilité à long terme, intitulé : « De quelle mobilité a-t-on besoin ? L’automobile, un sujet de riches ? Faut-il limiter la vitesse ? ». Le directeur général du groupe automobile a tout d’abord rappelé que Stellantis n’a « aucun problème avec l’interdiction de vendre des véhicules thermiques en 2035 », saluant même le fait que la mesure « a été prise avec environ 13 ans d’anticipation » et qu’elle donne donc le temps de s’adapter.
Une transformation « très violente » du secteur
Suite à quoi, Carlos Tavares a néanmoins souligné que « cette décision nous impose par contre une transformation très profonde, très rapide, voire très violente, de ce que nous faisons ». Continuant en ce sens, il a également indiqué qu’il aurait « aimé que l’ensemble des acteurs de la société reconnaissent les efforts prodigieux que font tous les employés des secteurs de l’automobile et en particulier ceux de Stellantis ».
Le CEO de Stellantis a également tenu à rassurer sur l’avancement du groupe en matière de véhicules électriques, l’implication du consortium étant régulièrement critiquée. « Nous sommes en train de nous adapter à une vitesse extraordinaire, nous avons déjà actuellement en cours de production des usines de moteurs électriques et de transmissions électrifiées » a-t-il ainsi rappelé. Sans oublier le fait que le constructeur vient tout juste d’inaugurer une première usine de batteries, aussi appelée Gigafactory, dans les Hauts-de-France, l’une des principales régions automobiles de France. Avant de conclure sur le fait que le groupe produit actuellement « 12 véhicules électriques dans les usines automobiles françaises », autre signe de sa mutation accélérée.
Un habitué des déclarations polémiques
Malgré des mots forts lors du Common Good Summit, Carlos Tavares s’est montré bien moins virulent qu’à l’accoutumée sur l’interdiction des véhicules thermiques. Lors d’un entretien accordé au journal L’Est Républicain en 2019 par exemple, le patron de Stellantis se plaignait alors que les constructeurs soient considérés « comme des gangsters (…) à cause de la tricherie d’un constructeur allemand bien connu », référence non voilée à Volkswagen.
À cette occasion, il dénonçait aussi les mesures prises par l’Union européenne, indiquant que son groupe allait « respecter scrupuleusement tous les objectifs très sévères demandés par l’Europe, car nous appartenons à la société dans laquelle nous opérons, et considérons donc cette question climatique comme primordiale ». Avant de tacler les autres constructeurs en ces mots : « d’autres concurrents ne le font pas de la même façon et préfèrent utiliser l’argent de leur entreprise pour acheter des droits à polluer ».
Un choix politique et non industriel pour le patron de Stellantis
Mais sa cible véritable restait déjà à l’époque la voiture électrique, considérant que « le grand danger de s’embarquer dans le tout électrique de façon non coordonnée, c’est d’avoir des voitures électriques à vendre et des acheteurs qui n’en veulent pas car ils ne voient pas les bornes de rechargement ».
Il persistait en juin 2022, indiquant que selon lui le choix de l’électrique est avant tout un choix politique et non un choix industriel. Bien qu’il ne dénonce pas ouvertement l’électrification du parc automobile, le CEO de Stellantis critique le fait qu’elle soit imposée, sans laisser l’occasion aux scientifiques d’explorer d’autres pistes, tel que l’hydrogène par exemple. Un combat désormais perdu pour Carlos Tavares qui, comme nous l’avons constaté au Common Good Summit, semble finalement s’être résigné au tout-électrique.